Pendant près de soixante ans, au cours de la période la plus importante et la plus passionnante de l’histoire de la cartographie moderne, Gérard Mercator fut le cartographe suprême.Son nom venait juste après Ptolémée, synonyme de la forme de projection cartographique encore utilisée aujourd’hui. Bien que n’étant pas l’inventeur de ce type de projection, il a été le premier à l’appliquer aux cartes de navigation sous une forme telle que les relèvements au compas puissent être tracés sur des cartes en ligne droite, offrant ainsi aux marins une solution à un problème de navigation de longue date en mer. Son influence transforma l’arpentage, et ses recherches et calculs le conduisirent à rompre avec la conception qu’avait laissé Ptolémée, de la taille et de la silhouette des continents, réduisant radicalement la longueur longitudinale de l’Europe et de l’Asie et modifiant la forme de l’Ancien Monde, telle que visualisée au début du XVIe siècle.
Mercator est né à Rupelmonde en Flandre et a étudié à Louvain auprès de Gemma Frisius, écrivaine, astronome et mathématicienne néerlandaise. Il s’y établit en tant que cartographe, créateur d’instruments et de globe, et à vingt-cinq ans, dessine et grave sa première carte (de Palestine) et produit ensuite une carte de Flandre (1540). L’excellence de son travail lui valut le patronage de Charles V pour lequel il construisit un globe. Malgré sa faveur auprès de l’empereur, il fut pris dans la persécution des protestants luthériens et accusé d’hérésie, heureusement sans conséquences graves. Nul doute que la crainte de nouvelles persécutions ait influencé son déménagement à Duisburg en 1552, où il poursuivit la production de cartes, de globes et d’instruments aboutissant aux cartes à grande échelle de l’Europe (1554), des îles Britanniques (1564) et de la célèbre Carte du monde 18 feuilles dessinées à sa nouvelle projection (1569). Toutes ces premières cartes sont extrêmement rares, certaines ne sont connues que par un seul exemplaire.
Plus tard, il se consacra à l’édition des cartes de Geographia de Ptolémée, reproduites aussi fidèlement que possible sous leur forme originale, et à la préparation de son recueil de cartes en trois volumes auquel, pour la première fois, le mot « Atlas » a été appliqué. Le mot a été choisi, a-t-il écrit, « pour honorer le Titan, Atlas, roi de Mauritanie, un philosophe savant, mathématicien et astronome ». Les deux premières parties de l’Atlas ont été publiées en 1585 et 1589 et la troisième, les deux premières constituant une édition complète, en 1595, un an après le décès de Mercator. Les fils et les petits-fils de Mercator, nommés ci-dessus, étaient tous cartographes et contribuaient de diverses manières au grand atlas. Rumold, en particulier, fut responsable de l’édition complète en 1595. Après une seconde édition complète en 1602, les planches de cartes furent achetées en 1604 par Jodocus Hondius qui, avec ses fils, Jodocus II et Henricus, publia des éditions agrandies, qui dominèrent le marché de la carte pour les vingt à trente années suivantes.